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Être ou ne paraître: là est la question...

Publié par Vers Plus d'idées sur 14 Avril 2015, 11:01am

Catégories : #conseils pour dirigeants, #Idées Canadiennes, #Vers Plus D'idées, #Towards More Ideas

Ecrit par René Villemure - QUEBEC, Éthicien et Président Éthikos -

Ecrit par René Villemure - QUEBEC, Éthicien et Président Éthikos -

Je pense donc je suis. Je suis donc je pense. Je pense que je suis. Je suis ce que je pense…Voilà pour les variations. « Il faut être et non paraître », dit cependant le dicton.

Croyez-vous toujours tous les dictons que vous lisez ou entendez?

Lançons un pavé dans la marre du consensus mou en proposant : Et s’il fallait mieux paraître qu’être?

Mais non, il vaut mieux être que paraître rétorquent spontanément les bien-pensants lorsqu’on leur pose la question mais, réfléchissons-y un moment : combien de fois préférons nous, en pratique, paraître à être tout en affirmant de manière offensée qu’il faille être? Ce sujet, qui risque de ne pas faire l’unanimité, promet aussi d’être ardu à démêler alors autant proposer d’emblée quelques éclaircissements.

Être marque l’état, la situation, la localisation ou les circonstances qui caractérisent une existence. Être est toujours suivi d’un attribut indiquant une qualité sans laquelle l’être n’est rien, ou si peu de choses. Ainsi, au minimum, on peut Être soi-même…mais, au fond, que veut dire Être soi-même? On est soi-même, et puis après?

De son côté, Paraître provient de parere qui nous a donné les concepts de se montrer; d’être présent à l’ordre de quelqu’un. En étant présent à l’ordre de quelqu’un ou de quelque chose on consent, de fait, à obéir, à se soumettre. Comme pour la mode, on se soumet à son diktat, on y obéit. Pourquoi obéir à la mode? Essentiellement pour paraître, c’est-à-dire pour se faire voir, pour se faire remarquer, pour soudainement briller… En bout de ligne, on désire paraître parce qu’être est parfois insuffisant pour exister en société…

Depuis longtemps, les artistes l’ont bien compris : En matière d’art, le paraître est tout. Pour devenir un succès, un livre doit d’abord paraître… L’art est-il moins quoi que ce soit pour cette raison? Je ne le crois pas. Dans la logique artistique et esthétique le paraître précède l’être

Faites-en l’expérience. En marchant sur la rue, une forte proportion des impressions que l’on peut se forger d’une personne sont indéniablement liées aux apparences : son sexe, son âge, son ethnicité, parfois sa religion et certaines de ses préférences extérieures de consommation. Ce n’est que dans une moindre proportion que l’on pourra retrouver l’être en soi: son éducation, ses préférences intellectuelles, ses intérêts, ses croyances profondes. Même s’il n’a pas la côte, le paraître est très révélateur…

Les gens qui ne se préoccupent pas de paraître sont des narcissiques à l’esprit étroit. Ils n’arrivent pas à comprendre ou à voir que l’on puisse avoir d’eux une mauvaise opinion ou, s’ils l’imaginent, ça leur est complètement égal.

Dans une société ou trop sont indifférents à tous en tout temps, le paraître est injustement réduit à un simple désir de vanité, de fatuité ou d’ostentation, ce qui est une erreur, parce que paraître, c’est beaucoup plus.

Paraître, c’est consentir au jeu social; paraître c’est accepter, pour un instant, de ne pas être tout ce que l’on est afin de laisser la place à l’être des autres ou, à tout le moins, à leur propre paraître.

L’être est naturellement envahissant, bruyant, odorant, et naïvement persuadé que son prétendu naturel - qui n’est jamais qu’un code parmi d’autres, mais, l’ignorant, faute de culture – est l’aboutissement de tout. Pourtant, de toute évidence, tous les êtres ne peuvent pas cohabiter. Les guerres, les litiges et les poursuites judiciaires de toute engeance le démontrent depuis des siècles. Parce que nous ne sommes pas seuls, il faut donc, en société, consentir à réduire la part de son être égoïste afin de cohabiter avec les autres sous une forme de paraître. Dans cette perspective, le paraître doit être compris comme étant une forme de renonciation volontaire à son être afin de mieux vivre en société.

Pourquoi, alors, le paraître a-t-il tout de même mauvaise réputation lorsque comparé à l’être? Simplement parce qu’en matière de paraître les gens ne distinguent pas le bon paraître du mauvais. Le bon, nous l’écrivions plus haut, implique de renoncer volontairement à une partie de soi afin de mieux vivre avec les autres tandis que le mauvais tente plutôt de leurrer. Le mauvais paraître n’est, au fond, qu’une imposture destinée à tromper l’autre ou, pire encore, à se leurrer soi-même.

Les apparences peuvent mentir, certes, mais il faut également rappeler en toute honnêteté que les apparences parlent parfois aussi justement et, qu’on le veuille ou non, nous serons presque toujours réduits à ce que nous choisissons de montrer. Les apparences ne cachent rien; c’est l’être qui dissimule.

Il faut enfin savoir que lorsque l’on renonce à paraître, lorsque l’on renonce à plaire, on renonce inexorablement à exister dans le monde, on renonce à tenir son rôle… on n’existe alors plus que pour soi. C’est ce qui s’appelle être soi-même avec soi sur sa propre île déserte, appelée Individualia

N’être, c’est renoncer à exister.

Paraître, c’est exister.

Être vu, c’est naitre au monde…

* * *

Je commençai à comprendre qu’il n’existait aucun moyen de rectifier l’image de ma personne; je compris que cette image, si peu ressemblante fut-elle, était infiniment plus réelle que moi-même; qu’elle n’était en aucune façon mon ombre, mais que j’étais, moi, l’ombre de mon image…

Milan Kundera

*

Pour rendre à César ce qui lui appartient nous remercions Monsieur Renaud Camus pour ses réflexions qui ont motivé la rédaction de ce Bulletin.

Par René Villemure

Éthicien et Président Éthikos

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